Correspondance avec Bochra Triki
Sur une proposition de Maison Fumetti, l’autrice et journaliste tunisienne Bochra Triki et moi avons été invitées à correspondre autour du thème de la rue. Ces échanges font l’objet d’une publication sur le compte Instagram Kif Kif du 6 au 10 juin.
Ci-dessous quelques-unes des références qui ont nourri nos échanges :
- Une discussion avec Yves Raibaud Des villes viriles
- Un podcast sur France Culture « qui a pour point de départ les lieux où une femme ne peut se rendre seule » : Traverser les forêts
- Le travail du Collectif à côté sur la toponymie des rues de Nantes : La rue, nom masculin?
- Pour le traitement des personnages « prédateurs » de l’espace public, je me suis inspirée du travail graphique de Thomas Mathieu dans Les Crocodiles
- La bande dessinée Les contraceptés évoquée dans le strip du jeudi
- Un article sur la façon d’occuper l’espace public paru sur genre-et-ville.org
- Le très beau livre d’Amandine Dhée À mains nues
- Devenir chienne d’Itziar Ziga
- Extrait d’un entretien avec Virginie Despentes (Les couilles sur la table) :
« Dans la rue je ne me défends pas mieux que n’importe qui, c’est à dire qu’il y a des jours, même à cinquante ans tu continues à être… pas harcelée.. à l’activer. Très régulièrement dans la rue sur comment t’es habillée, des choses de toi quoi. Et il y a des jours où je réponds bien, il y a des jours où je réponds violemment, il y a des jours où j’ai de l’humour, et puis il y a des jours où t’es comme une conne. Et ça je pense que c’est pas une question de force. N’importe qui… Il y a des jours où je sais pas quoi dire, il y a des jours où j’suis pas en forme, ou tu m’fais peur. Je pense pas qu’il y ait une technique infaillible. Il y a des gens qui sont plus grande gueule que d’autres, il y a des meilleurs journées que d’autres, il y a des agresseurs moins doués que d’autres donc ça te permet de prendre le truc plus facilement mais dans la rue régulièrement je me sens conne encore aujourd’hui. J’ai pas une technique imparable d’essence Despentes parce que de toute façon si on te casse les couilles justement très régulièrement il y a toujours des moments où tu te sentiras pas bien et c’est normal. »
Victoire Taillon -Aussi c’est hyper pénible d’être en colère sans arrêt, d’être tout le temps contre tout le monde, il y a des jours t’en peux plus »
– Il y a des jours où t’es pas bien, il y a des jours t’as pas la bonne réaction, il y a des jours où t’as pas la bonne raison, il y a des jours où ça te touche. Idéalement là encore c’est pas tant dans ma réponse, c’est que moi ça ne m’arrive pratiquement jamais de parler à un mec dans la rue quand je suis avec mes copines et de lui dire quelque chose sur son pantalon, la taille de son cul, l’âge qu’il a ou ce que je pense de comment il marche. Ça me vient pas… je le fait pas. Donc j’imagine que ça pourrait être réciproque et qu’ils trouvent pas normal de voir passer une meuf de cinquante balais pour dire ce qu’ils pensent de son jean, de ses cheveux ou ses seins ou elle a pas de soutien-gorge. Penses-en ce que tu veux mais me le dit pas. C’est ce que je fais moi quand je sors dans la rue, quand tu passes, je te parle pas de ton short. Ça doit être possible.
Plus les femmes on aura l’impression, pas on aura l’impression, plus on se comportera comme des gens entier, plus on sera traitées comme telles et c’est pour ça que je pense que c’est important me too, plus ça fera reculer ce principe de « c’est votre rue » et on est autorisées à circuler un peu dedans sous vos quolibets. C’est notre rue à tous. » Source : https://www.binge.audio/podcast/les-couilles-sur-la-table/virginie-despentes-meuf-king-kong